À l’occasion du troisième anniversaire de la mise sous séquestre du navire de sauvetage Iuventa et du début de l’enquête judiciaire sur 10 membres de son équipage, Amnesty International lance une action mondiale de solidarité.
Cette action demande au parquet italien d’abandonner l’enquête absurde sur les « 10 du Iuventa ». Bien qu’elles aient sauvé plus de 14 000 vies, ces personnes sont accusées d’avoir « facilité l’entrée irrégulière » de migrant·e·s en Italie, faits passibles d’une peine de 20 ans de prison.
« Trois ans après l’ouverture de cette enquête injustifiée, ces 10 membres de l’équipage du Iuventa restent dans l’incertitude, tandis que plane sur eux la menace de lourdes peines de prison », a déclaré Maria Serrano, chargée d’action sur la migration à Amnesty International.
« La criminalisation des sauvetages en mer a entravé des activités vitales de sauvetage dans la Méditerranée centrale, et s’inscrit dans une politique plus large de répression des actions de solidarité à travers l’Europe. Le devenir de ces 10 femmes et hommes est lié à celui de centaines d’autres personnes, ainsi qu’à la destinée de milliers de réfugié·e·s et migrant·e·s qu’ils aident. »
Des procureurs affirment que lors de trois opérations de sauvetage ayant eu lieu en 2016 et 2017, l’équipage du Iuventa s’est entendu avec des passeurs pour qu’ils lui remettent des réfugié·e·s et des migrant·e·s, avant de rendre aux passeurs les bateaux vides afin qu’ils les réutilisent. L’équipage du Iuventa a nié toutes ces accusations. Une reconstitution par ordinateur effectuée par Forensic Oceanography sur ces trois sauvetages a démontré que les 10 du Iuventa sauvaient des vies.
« Notre travail avait pour objectif d’évaluer les allégations des autorités italiennes. Les résultats sont clairs : rien ne permet de dire que l’équipage du Iuventa a conspiré avec des passeurs », a déclaré Lorenzo Pezzani, chercheur à Forensic Oceanography, à l’université Goldsmiths (Londres).
Un demandeur d'asile secouru par le Iuventa a déclaré avoir vu des personnes se faire violer, torturer et tuer en Libye. « Si quelqu’un m’avait dit que j’allais être renvoyé en Libye, j’aurais préféré mourir en mer », a-t-il dit. « Les gens étaient heureux et se sont mis à chanter, en remerciant dieu. Voilà dans quelles circonstances nous avons rencontré le Iuventa. »
« Nous ne pouvions plus regarder sans rien faire tandis que des gens sombraient dans la Méditerranée, devenue une véritable fosse commune. Nous avons décidé d’user de notre privilège pour observer, rendre compte, et offrir un refuge à des milliers de personnes en mouvement », a déclaré l’un des membres des 10 du Iuventa.
« Sauver des vies humaines dès que cela est possible, offrir une protection à ceux qui en ont besoin, traiter tout le monde avec dignité et nous battre aux côtés de ces personnes pour le monde dans lequel nous souhaitons vivre était, est encore et restera notre devoir à tous. »
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Le cas du Iuventa n’est pas isolé. À travers l’Europe, des citoyennes et citoyens solidaires des réfugié·e·s et migrant·e·s, ou en ayant assisté, ont été menacés, calomniés, intimidés, harcelés et traînés devant les tribunaux pour avoir simplement aidé d’autres personnes. Les autorités ont utilisé à mauvais escient et de manière abusive les lois de lutte contre le trafic de migrants afin d’ériger en infraction la défense des droits humains et de punir la solidarité. https://www.amnesty.org/fr/documents/eur01/1828/2020/en/
Le nombre de personnes arrivant en Italie par la Méditerranée centrale a beaucoup baissé ces dernières années, en raison des manœuvres de l’Europe visant à confier à la Libye le contrôle des frontières. Les arrivées en Italie sont passées de 181 434 en 2016 à 11 471 en 2019. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, entre le début de l’année et juillet 2020, 9 725 personnes sont arrivées en Italie.
La réduction des ressources en matière de sauvetage a débouché sur une hausse du taux de mortalité en 2018 et 2019. Depuis 2016, plus de 50 000 hommes, femmes et enfants ont été interceptés en mer par les garde-côtes libyens, et renvoyés en Libye, où ils risquent d’être victimes d’arrestations arbitraires, d’actes de torture, d’extorsion et de viol.
L’affaire du Iuventa est la première procédure judiciaire engagée contre une ONG de sauvetage en Italie, après une campagne de dénigrement cherchant à jeter le discrédit sur les ONG.
July 31, 2020 at 02:00PM
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Italie. L'équipage d'un navire de sauvetage risque 20 ans de prison, trois ans après le début d'une enquête pour trafic illicite - Amnesty International France
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