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Saturday, July 4, 2020

Tensions sur le navire humanitaire Ocean Viking : «On craint pour des vies humaines» - Le Parisien

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Tout autant que ce SOS, envoyé vendredi depuis les eaux internationales, les craintes qui pèsent sur la sécurité des plus de 200 occupants du Ocean Viking, en pleine épidémie, sont inédites. Pour la première fois depuis le début des activités humanitaires, il y a quatre ans et demi, de SOS Méditerranée, l'ONG qui a affrété ce navire, l'a déclaré en état d'urgence.

A bord, une partie des 180 migrants, sauvés en mer entre le 25 et le 30 juin, sont en proie à une détresse psychologique si intense, après des semaines éprouvantes passées le plus souvent en Libye, que certains ont tenté de se suicider, voire ont menacé l'équipage, rapporte ce samedi Laurence Bondard, porte-parole de SOS Méditerranée.

« Ce matin, après une nuit relativement calme, certaines tensions sont de nouveau remontées », dépeint cette militante présente sur le bateau, qui relate que 44 passagers cristallisent les inquiétudes des marins sauveteurs.

Six tentatives de suicide en 24 heures

« C'est extrêmement stressant, il y a des rescapés qui sont en détresse psychologique aiguë. Certains font part d'intentions suicidaires. Ils ont formulé un risque de se faire mal à eux-mêmes et potentiellement à d'autres. Quelques-uns ont aussi menacé des membres de l'équipe », s'alarme Laurence Bondard, qui dit ne pas se sentir « complètement en sécurité ».

Elle énumère tristement : « En 24 heures, il y a eu six tentatives de suicide, deux personnes ont sauté à l'eau et ont heureusement pu être récupérées, trois autres ont pu être interceptées juste à temps, un autre a tenté de se tuer… ». Ce dernier a tenté de se pendre, sur le pont du bateau.

En 24 heures, six migrants ont tenté de se suicider sur le bateau/Flavio Gasperini/SOS Méditerranée
En 24 heures, six migrants ont tenté de se suicider sur le bateau/Flavio Gasperini/SOS Méditerranée  

Sophie Beau, directrice générale de l'ONG SOS Méditerranée, décrit « un groupe d'une quarantaine de personnes, sans leader, qui se trouvent dans un état délirant ». « Ils sont incontrôlables et représentent un danger pour eux-mêmes, pour leur propre intégrité et pour l'équipe, s'inquiète-t-elle. Certains refusent de prendre des médicaments. Tant qu'ils n'auront pas débarqué, ils représenteront un danger pour les autres rescapés. » Un seul migrant, qui souffrait d'une forte fièvre, a pu être évacué en début de semaine.

Pour l'instant, l'Ocean viking, qui se trouve à 30 km des côtes italiennes, au large de la Sicile et au milieu de vagues conséquentes, demeure dans une impasse : l'Italie et Malte, les deux pays les plus proches, ont opposé une fin de non-recevoir à ses sept demandes d'accostage. Les autres pays sollicités, dont la France, demeurent quant à eux mutiques. Alors vendredi, SOS Méditerranée a demandé que ses 44 passagers en détresse psychologique soient débarqués en urgence. Mais là encore, c'est un refus qui leur a été adressé. L'Italie a toutefois acheminé un médecin et un médiateur sur le navire.

Une situation que dénonce aussi l'ONG Amnesty international, qui a réclamé ce samedi matin que la France intervienne « auprès des autorités italiennes et maltaises pour que les personnes puissent débarquer sans tarder dans un port sûr » et s'engage « à accueillir un certain nombre de ces personnes ».

« Ils ont pu voir les côtes européennes de si près… »

« Il n'y a pas eu de point de bascule, la situation s'est éternisée », tente d'analyser Sophie Beau, de SOS Méditerranée, pour expliquer l'apparition des tensions. « Les premières personnes secourues en mer l'ont été le 25 juin, donc certaines sont sur le bateau depuis neuf jours et ont dérivé avant cela pendant quatre jours. C'est très long pour des personnes qui se trouvent déjà dans une souffrance psychologique et psychologique catastrophique. » La majorité de ces migrants – dont 25 sont des mineurs, parfois non accompagnés, avec un benjamin âgé de 12 ans — ont fui la Libye et son chaos, où les meurtres, rapts et viols de migrants sont fréquents. Il s'agit essentiellement de Bangladais, de Pakistanais, de Tunisiens et d'Égyptiens, détaille l'ONG, qui évoque aussi la présence de deux femmes dont l'une enceinte de cinq mois.

« Ils reviennent de Libye et des camps. Ils ont vécu des violences inimaginables », ajoute Sophie Beau, qui fustige un « cynisme total des autorités ». « Ils ont pu voir les côtes européennes de si près… et on doit leur expliquer qu'on ne peut pas accoster, qu'il s'agit de décisions politiques. Forcément, Il n'y a pas de rationalité qui suffise à calmer leurs angoisses, leur exaspération et leur incompréhension ». Alors, pour certains, l'anxiété des premiers jours s'est accentuée et s'est muée en colère, jusqu'à tenter le tout pour le tout. « Certains ont sauté en nous disant qu'ils voulaient rejoindre les côtes à la nage, alors qu'elles sont à 30 km, deux ont commencé une grève de la faim », assure la directrice de SOS Méditerranée, qui dit craindre « pour des vies humaines à bord » et clame sa « peur que ça dégénère ».

« Ils dorment par terre, il fait très chaud… »

La pandémie de coronavirus n'a pas arrangé la situation. L'Italie et Malte ont décidé de maintenir l'interdiction, prononcée en avril, d'accueillir des migrants dans leurs ports. À bord, le port du masque est obligatoire, en dépit de la chaleur étourdissante et l'équipement sanitaire que portent les marins sauveteurs « rend plus compliqué les contacts humains », constate Sophie Beau. Les neuf membres de l'équipe navigante, eux, ne doivent pas entrer en contact avec les migrants, afin d'éviter toute contamination éventuelle.

Les conditions de vie, sur ce bateau, sont spartiates. Flavio Gasperini/SOS Méditerranée
Les conditions de vie, sur ce bateau, sont spartiates. Flavio Gasperini/SOS Méditerranée  

En attendant une autorisation d'accoster dans l'un des ports de Méditerranée, les prochains jours s'annoncent tendus. « Un rescapé m'a dit au réveil ce matin On ne se sent pas en sécurité. Depuis que deux personnes ont sauté du bateau, la première chose à laquelle ils pensent c'est : Qu'est ce qui va se passer maintenant ? Cela fait monter l'anxiété chez les rescapés, et leurs souvenirs de ce qui a pu se passer avant, dans leur pays en guerre, en Libye, ou en mer, resurgissent », nous raconte Laurence Bondard, depuis l'Ocean Viking.

Pour rassurer les passagers, l'équipage a renforcé sa présence sur le pont, « nuit et jour » et demeure « très vigilante pour éviter qu'un drame ne se produise », appuie-t-elle. Mais combien de temps une telle situation pourra-t-elle durer ? « Un bateau n'est pas un endroit où on peut rester longtemps, s'insurge la porte-parole. Encore moins dans les conditions dans lesquelles ils sont. Ils dorment par terre, sur le pont arrière, il fait très chaud… »

Elle insiste, à propos de « ces gens qui ont vu la mort de très près » : « Ils ne peuvent pas se reposer dans ces conditions, il leur faut absolument débarquer, être pris en charge. »




July 04, 2020 at 09:18PM
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